Qu’est-ce que le théâtre ?
DE Hervé Blutsh et Benoît Lambert
MISE EN SCÈNE Anthony Binet
Une vraie-fausse conférence loufoque qui, sous ses airs absurdes, dévoile une formidable déclaration d’amour au théâtre. Toutes les enquêtes d’opinion le prouvent : l’art dramatique arrive en tête des sujets qui inquiètent les Français, juste après les risques alimentaires et les accidents nucléaires.
Face à cette inquiétude, des professionnels reconnus répondent aux questions que tout le monde se posent :
Comment dépasser l’angoisse de la réservation ? Faut-il nécessairement être de gauche pour aller au théâtre ? Faut-il avoir du talent pour être spectateur ? A-t-on le droit de s’endormir ? Est-ce qu’on peut retirer ses chaussures ? Ne pas comprendre un spectacle signifie-t-il que l’on
est idiot ? Quand deux comédiens s’embrassent, est-ce qu’ils mettent la langue ?
Dans une athmosphère intime et décontractée, « Qu’est-ce que le théâtre? » vous dit tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’art dramatique sans jamais oser le demander.
DISTRIBUTION
DE Hervé Blutsh et Benoît Lambert
MISE EN SCÈNE Anthony Binet
AVEC Laura Mariani et Sylvain Porcher
PRODUCTION
PRODUCTION Cie La Pièce Montée
COPRODUCTION La Manekine, Scène intermédiaire des Hauts-de-Franc
PRODUCTION EXÉCUTIVE Fabriqué à Belleville
NOTE D'INTENTION
Entretien entre le metteur en scène Anthony Binet, et Oscar Lhotelier, directeur de La Gondole, scène nationale de Borgis-sur-Louisiane.
Comment as-tu découvert «Qu’est-ce que le théâtre ?» Je côtoie le théâtre d’Hervé Blutsch depuis une dizaine d’année, et j’apprécie tout particulièrement son univers et son humour, qui ne sont pas sans rappeler l’absurde des Monty Python ou de Quentin Dupieux. Ce qui m’a tout de suite plu, c’est la forme de la pièce, cette conférence soi disant commandée par le ministère de la culture dans le but d’amener un nouveau public à franchir les portes d’un théâtre, et bien sûr l’humour et le regard que ces deux auteurs, ces deux théâtreux, portent sur leur art. Je dirais que c’est la limite ténue entre la visée pédagogique réelle de la
pièce (car elle est réellement didactique et on en apprend sur le théâtre) et le regard satirique que portent les auteurs sur leur art, ses rituels, ses
marottes, qui m’ont donné envie de monter ce spectacle. On touche à l’intime, dans le sens où la pièce interroge les rapports qu’entretiennent les différents publics avec la culture, et plus particulièrement le théâtre.
Et alors, quels rapports les gens entretiennent avec le théâtre ?
Déjà, ça dépend de quel théâtre on parle. Ici, ce qui nous intéresse, c’est le rapport qu’entretiennent les gens avec le théâtre de création, qu’on oppose généralement au théâtre de divertissement.
C’est à dire ?
Ne fais pas ton naïf, tu es toi-même directeur d’une scène nationale…
Ok. Je n’insiste pas. On continue ?
D’accord.
Et sinon, toi, quel est ton rapport au théâtre ?
J’ai grandi dans un milieu où la sortie au théâtre n’allait pas de soi. Sans l’intervention en classe d’une équipe de comédiens, et le travail pédagogique entrepris par eux et les professeurs, je n’y aurai peut être jamais eu accès… Lorsque j’étais enfant, mes parents ne m’emmenaient pas au théâtre, non pas parce qu’il n’y en avait pas, mais parce que ça ne faisait pas partie de
leurs habitudes, qu’ils n’en détenaient pas les codes. Pour eux, comme pour beaucoup, le théâtre, rimait d’abord avec les pièces de boulevard qu’ils pouvaient voir de temps en temps à la télévision, alors la création
contemporaine, au mieux ils n’en entendaient pas parler, au pire ils se disaient que ça ne s’adressait tout simplement pas à eux.
Pourtant les théâtres s’efforcent de proposer une programmation éclectique, et ce dans un soucis d’ouverture. Pourquoi se disaient-ils cela ?
Il ne suffit pas de dire que le théâtre s’adresse à tout le monde pour que subitement les gens se disent :
« Tiens, je vais réserver des billets dans ce théâtre qui s’adresse aussi à moi pour aller voir «S’enfuir» de Friedrich Nach. Une pièce qui traite des
mouvements de l’âme en interrogeant la notion de fuite… On va sûrement passer une bonne soirée ! »
Les gens qui n’ont pas les codes se disent au mieux que ça ne les intéresse pas, au pire qu’ils sont trop bêtes pour comprendre. Bref, toujours est-il que ma rencontre avec le théâtre s’est faite parce qu’une
compagnie de théâtre est venue un beau matin à la rencontre d’une classe de 6ème dans mon petit collège en milieu rural. C’est comme ça que j’ai commencé à pratiquer, en amateur, et à traîner mes parents au théâtre car on m’avait parlé de telle ou telle pièce, et nous avons découvert ensemble un monde qui, jusque là, nous était inconnu.
Comment t’y prendrais tu pour amener les gens au théâtre ?
C’est simple, je les collerais de force devant un Koltès en leur disant que c’est ça la culture, et que Jean Lefebvre ça va bien cinq minutes. Je renouvellerais
l’expérience autant de fois que nécessaire pour être certain que le message s’imprègne bien et que leurs habitudes changent en profondeur. (Rires) Non je plaisante bien sûr. Il n’y a pas de recette miracle, mais je crois beaucoup à la démarche qui consiste à aller à la rencontre avec le public, au fait de démystifier le milieu de création au sens large, et au rire. C’est primordial pour moi.
Tu trouves qu’on ne rit pas assez dans la création contemporaine ?
Pas forcément mais je crois que le rire est un excellent moyen d’aborder les choses, et surtout les sujets sérieux. Je crois qu’il y a une grande poésie et
une grande noblesse dans l’acte de faire un pas de côté, de prendre du recul et de rire des travers humains.
Alors, qu’est-ce que c’est «Qu’est-ce que le théâtre ?»
C’est un prétexte à dédramatiser le rapport que le public, initié ou non, entretient avec la création contemporaine. Deux comédiens, prétextant une étude du ministère de la culture avançant que près de 90% des gens n’ose pas franchir les portes d’un théâtre, vont donner une conférence où ils vont explorer les questionnements et les appréhensions d’un public
qui aurait « un problème avec le théâtre ».
Et donc ?
Et donc, ces deux comédiens vont tenter de déconstruire les idées toutes faites qui freinent les gens à venir :
– Est-ce que je suis assez intelligent ?
– Est-ce que je ne risque pas de m’ennuyer, voir de mourir d’ennui ?
– Doit-on obligatoirement être de gauche pour aller au théâtre ?
(Rires)
Sérieusement ?
Oui. Car n’oublie pas que «Qu’est-ce que le Théâtre ?» est aussi un programme de divertissement ! Vois-tu, Blutsch et Lambert portent également dans cette pièce un regard critique sur l’archétype des gens qui fréquente habituellement le théâtre public, et ne manquent pas de distribuer ça et là quelques bonnes piques à qui de droit ! Ça fera beaucoup rire les gens de gauche. Notamment.
C’est donc un texte éclairé, écrit par des gens intelligents, qui ne prennent pas les spectateurs pour des imbéciles et qui s’adressent à un large public ?
Exactement !
Ça a l’air super, vu la façon dont tu en parles ! Et d’un point de vue scénographique, ça va ressembler à quoi ?
A un paper-board.
C’est à dire ?
Un paper-board. Tu vois ce que c’est ?
Oui.
Et bien il y aura un paper-board et deux comédiens. Et c’est tout.
Tu n’as pas peur que ça fasse un peu pauvre ? Tu n’aurais pas pu trouver
autre chose ?
Pour être franc, je me suis posé la question d’un autre dispositif. Mais au final, j’en reviens toujours au paper-board. L’idée d’imaginer ces deux acteurs, voyageant comme des pèlerins, un paper-board sous le bras, à la
rencontre du public me plaît beaucoup. Je veux qu’on puisse le jouer partout.
Tu sais, aujourd’hui on fait des choses magnifiques en vidéo, à des prix très abordables.
Mais pour projeter une image il faut l’obscurité. C’est une contrainte. Ce qui me plaît particulièrement avec cette pièce c’est qu’elle se prête complètement, de mon point de vue en tout cas, à ce qui fait l’essence
même du théâtre, à savoir : le jeu. On pourrait même se passer du paper-board à la limite… les comédiens et le texte suffiraient. Mais sans le paper-board, on se passerait de choses vraiment amusantes comme le portrait de Friedrich Nach que j’ai choisi, ou bien celui de Jean Vilar devant lequel nos comédiens se recueillent. Sans oublier l’effet que cela produit de tourner les pages d’un paper-board, et de révéler au
public, comme un coup de théâtre minimaliste, une information qui le fera réagir, rire, ou qui l’interrogera.
Admettons.
Et puis, ce rapport au papier, ces pages que l’on tourne, un peu comme les pages d’un livre, tu comprends, c’est une forme d’hommage symbolique
à la littérature…
Tu n’essayerais pas de m’enfumer ?
Je me disais que ça faisait argument métaphorique de dossier de recherche scénographique…
Donc, un paper-board, deux comédiens. J’ai bien compris. Et en lumière ?
Notre régisseur nous adore : juste un plein feu. De quoi éclairer le paperboard et les comédiens. Et un noir à la fin. Le point de départ du spectacle c’est la conférence à laquelle le public est venu assister. De cette situation qu’on ne quitte jamais, naît peu à peu le théâtre, à travers le décalage qui s’opère au fur et à mesure, avec les scènes de «S’enfuir» que jouent nos comédiens lors de la conférence. Et si on joue le spectacle ailleurs que sur un plateau de théâtre, la lumière du lieu suffira. Dans un passage de «S’enfuir», on assiste à un moment à une fuite sur un sentier de montagne, en pleine tempête de neige, tout ça grâce au talent des comédiens avec qui je travaille, qui jouent vraiment très bien,
et à la puissance évocatrice du texte.
Tu as un exemple ?
Quand Sylvain Porcher, qui joue Franz, décide d’aller chercher Reinhilde, jouée par Laura Mariani, lance au public : « La peste soit de ma belle soeur ! A-t-on idée de prendre la fuite avec des escarpins ? » Il arrive réellement à nous faire ressentir l’urgence de la situation, la tension intérieur qui l’habite dans ce moment où il prend le risque de se sacrifier lui
même pour sauver la vie de Reinhilde, mais également la violence de la tempête qu’il doit affronter. Tout ça avec sa voix, son corps, sa présence et ce supplément d’âme qui en fait un acteur remarquable. Avec des comédiens moyens, là oui j’aurai misé sur des décors et de l’artifice. Mais j’ai la chance d’avoir les bons contacts. Donc pas d’artifices.
Le jeu, c’est donc la colonne vertébrale de ta mise en scène ?
Oui. Le jeu et la connivence avec le public. On pourrait même parler de théâtre immersif, dans la mesure où le
spectateur se retrouve partie prenante du spectacle : il est ce public qui a un problème avec le théâtre, et on l’amène à participer, avec des exercices d’inspire-expire et des incantations exutoires visant à chasser l’appréhension du spectacle trop long, ou l’angoisse de la réservation. D’ailleurs, sur le début du spectacle, nous travaillons sur la frontière entre le réel et la fiction, en faisant débuter le spectacle avant même que les comédiens ne se placent face au public. Comme si le spectacle venait faire irruption dans le réel, c’est pourquoi nous souhaitons le diffuser principalement dans un cadre qui ne soit pas forcément une salle de
spectacle ; dans une bibliothèque, dans un appartement, dans un bar-tabac, dans un champ !
Le fait même de poser le paper-board, peu importe l’endroit, fait que tout à coup, ce lieu devient autre chose que ce qu’il est. On installe le public devant ce paper-board les deux comédiens arrivent, et tout à coup on est plus dans une bibliothèque, un bureau ou un champ, mais au théâtre.
Bon. Ton projet à vraiment l’air intéressant et je suis très curieux de le voir pour éventuellement l’inscrire dans la programmation hors les murs de mon théâtre, dans la médiathèque de la ville par exemple, ou bien carrément dans mon théâtre. Si c’est possible.
Bien sûr c’est possible ! On peut aussi le jouer dans ton théâtre si tu veux !
Mais au fait, Jean Lefebvre, il ne te fait pas rire ?
Merci.
PRATIQUE
Durée : 60 min
Tout public
PROCHAINES DATES
CRÉATION
TOURNÉE saisons 22-23, 23-24 et 24-25